Xavier Valls

Catalogue raisonné de l'œuvre de Xavier Valls

A propos

Quel est ce voile impondérable qui, dans la peinture de Xavier Valls, enveloppe de sa gaze transparente les choses, les êtres et les paysages ? Apparemment ce voile a peu de rapports avec le flou impressionniste où un Eugène Carrière noyait son Paul Verlaine et sa Maternité ; peu de rapports avec la brume qui règne sur les paysages de Turner ; chez les Impressionnistes les contours des objets s'estompent dans une diffluence qui exprime la continuité générale du monde sensible. Chez Valls au contraire les formes gardent sous le voile léger leur plastique et leur précision ; les fruits affirment dans le compotier leurs teintes delicates, leurs velours et leur délectable modelé. Ici nudité ne veut pas dire austérité. Plutôt qu'un voile, n'est-ce pas une sorte de vibration suprasensible inhérente à la vision même du peintre et inséparable de son coup de pinceau ?

On remarquera que Valls peint rarement la figure humaine. Est-ce un effet de la pudeur ?

Seuls ses proches, seuls les êtres les plus chers, Luisa et les enfants ont accès à l'intimité de son univers visuel. En dehors de ces figures la peinture de Valls laisse surtout vibrer ce qu'on appelle communément l'âme des choses. Valls perçoit et rend sensible la beauté d'une humble chaise de paille dans le silence. Natures « mortes », ces fruits et ces fleurs qui semblent poser pour nous, entretenir devant nous le silencieux dialogue des choses familières ? Natures vivantes, au contraire ! Des rapports inexplicables semblent s'établir entre les objets dans le recueillement de l'extrême solitude, — un vase de fleurs ou une assiette de fruits à gauche, la silhouette verticale d'une bouteille à droite, ou bien l'inverse. Et nous percevons je ne sais quelle activité secrète dans l'immobilité vibrante de la coexistence. Les paysages eux-mêmes, où il y a surtout le vaste ciel et l'espace et le gris ouaté des nuages, — le modelé des plans échelonnés à l'horizon du lac de Côme, un Panthéon de rêve à peine visible derrière la fenêtre de l'atelier parisien, sont à la fois évasifs et précis, lointains et prochains.

La peinture de Xavier Valls est une sorte de catharsis. Elle verse en nous, à voix basse, cette tranquillité d'âme, ce calme mystérieux qui rayonnent aussi d'un intérieur de Vermeer ou de la musica callada de Mompou. Elle est toute suavité et sérénité. Comment appeler ce monde onirique et pourtant sensuel où les choses sont des êtres vivants ? Ce monde où la réalité se fait rêve et le rêve réalité est une oasis enchantée dans le tumulte des vociférations et des imprécations. C'est le monde de la poésie. Et je crois bien que son nom est Douceur.

Vladimir Jankélévitch

1979

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Luisa Valls